Les mots surlignés font l'objet d'une note
1Monseigneur, suyvant ce qu’il vous a pleu me commander par votre lectre du vingt septieme du passé,
2j’ay faict interroger les prisonyers detenus en ceste ville et pence n’avoir rien oblyé pour pouvoir
3y descouvrir les complot et entreprises traméez par les nommés en voz precedantes lettres. J’ay tiré d’eulx
4ce qu’est contenu en leurs responces et repetitions. S’il vous plaict les faire veoir, je vous en envoye
5la coppie. Et en attendant ce qu’il vous plairra en ordonner, je les fais tenir serrés le plus fort
6qu’il est possible. Il est vray que l’ung d’eulx rompit lundy dernier la muralhe de la prison
7et par le moyen d’une corde qu’il avoyt faict de ses vestementz dessandit de soir hors
8les muralhes de ceste ville et s’en fuyt. Cela n’est advenu par faute d’estre bien serrés, mais
9il rompit une fenestre ferrée. Je l’ay faict suyvre de tous coustés pour le faire reprandre.
10Monseigneur, ceulx de la relligion de ceste ville ont faict une cotte entre eux pour paier
11les soldatz qui sont icy pour faire la garde pour eux, laquelle est faicte ordinairement
12par les catolicques, desquels le nombre est assez petit, oultre ce que ce sont gentz mal propres
13à ce faire. Car de vingt homes qu’ilz peuvent estre pour chacune garde, on n’y en scauroyt
14trouver plus du tiers qui la puissent supporter, qu’est cause que je ne m’arreste de beaucop
15en eux, mays y employe lesdits soldats, tellement que les affaires y sont manyés de façon
16qu’on n’y veoit que toute obeyssance et devotion au service de sa majesté ; et estime que
17la continuation de ladite cotte occasionera plusieurs de ladite relligion se ranger avec
18les catholicques, comme de faict ung des principaux cytoiens se catoliza dimanche dernier.
19Je desireroys scavoir votre volunté, si je doibz recevoir à faire garde ceulx qui se seront
20catolizés, pour de tant les descharger de leur cotte, bien que je ne me veulhe point
21encores aultrement repozer en eux. Et d’aultant qu’en plusieurs villaiges de ce ressort,
22y a bon nombre de ceux de ladite relligion qui mesmes ont suyvi les dernieres guerres,
23lesquelz on auroyt aussi tost, voyre plus à craindre que ceux de ceste ville. Je m’estois pencé
24les faire contribuer à la paye desdits soldatz, affin de les cognoistre et tenir en plus
25grand crainte ; et m’asseure que par ce moyen plusieurs se randront catolicques.
26Aultrement, veu qu’ilz ne se ressantent de rien, ilz se tiendront tousjours en leurs oppinions
27avec ce que, s’ilz ne sont ung peu vizités comme leurs compagnons, il y pourroyt survenir du
28dangier. Car on faict courir le bruict que du cousté d’Orange se faict quelque remuement,
29duquel desirant scavoir la verité, j’ay envoyé personnaige pour m’en appourter des noveles.
30Or je n’ay rien volu faire de ce que dessus sans vous en advertir pour en recevoir voz
31commandementz, lesquels je suyvray toute ma vye. J’ay faict recercher les armes ausdits
32de la relligion pour m’en tenir saizi. C’est vray que suys en doubte si je doibs saizir leurs
33espées et si doibz permectre aux gentilzhomes de les pourter ordinerement par la ville.
34S’il est trouvé bon par vous, je le feray faire de mesmes aux circonvoysins, car cela serviroyt
35de plus grand asseurance. J’ay sperance, Monseigneur, de tenir si bien la main aux affaires
36que le roy sera tousjours obey et que vous en recevrés entier contantement. Si j’eusse
37pencé pouvoir obtenir congé de vous pour assister à la monstre naguieres faicte à Loriol de la
38[v°] compagnie du sieur Centurion, voyant les affaires bien despozés, je vous en heusse faict
39humble requeste, comme je feroys aujourd’huy pour faire celle des compagnies corses,
40laquelle on dict se debvoir faire dans peu de jours en Dauphiné pour six moys,
41actandu que celluy que y pourra estre commis par vous n’en tirera que quarante
42livres, et moy y estant en auroys pour six payes, ce qui serviroyt à reparer
43ung peu des pertes que j’ay faictes par le passé. Toutesfoys, Monseigneur, […illisible]
44que je vous asseureroys delaisser homme feable et duquel je me randroys [responsable]
45durant mon absance pour ce regard, si ne veux- je pourtant bouger sans veoir
46les affaires et le temps bien à propos, ce que je remectz à ce qu’il vous plaira
47men commander. Vous suppliant, Monseigneur, pour fin de la presente, me
48tenir tousjours au nombre de voz tres humbles et tres obeyssans serviteurs, qui
49pour votre service employera à jamais corps et biens d’aultant bon ceur que je
50supplie le Createur qui vous doinct,
51Monseigneur, en très heureuse santé, très longue et très heureuse vie. De Dye,
52ce Xe octobre 1572,
53Votre très humble et très obeyssant serviteur
54Monleheuc
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